Lorsque la vie nous fait mal, il arrive que la prise d’alcool devienne régulière… On prend un verre quand on est seul… On boit un petit coup « pour se requinquer » avant de partir au travail, pour se donner la force d’assumer la journée, pour se donner le courage de sortir de la déprime qui commence à faire sentir son enfermement… On se dit que ce n’est pas grave, que cela ne peut pas nous faire de mal… mais le comportement est là.
La dépendance est psychologique, et ne va pas tarder à devenir physiologique. Il n’est pas nécessaire de boire beaucoup et d’être ivre pour devenir dépendant à l’alcool. Il suffit de boire régulièrement, même si c’est très peu, même si les effets de l’ivresse ne se font pas ressentir !
C’est pour cela qu’il est très difficile pour la personne alcoolique de reconnaître qu’elle est dépendante et qu’elle doive penser à sortir de l’alcool. C’est un sujet encore tabou et il est très difficile d’en parler, de peur d’être « mal vu » par l’entourage, et d’avoir honte de reconnaître sa faiblesse, sa solitude, sa profonde tristesse intérieure…
Toujours est-il que plus on attend, plus il sera difficile d’en sortir, et plus la période de sevrage sera longue et pénible. Le sevrage est la période de transition comprise entre la prise d’alcool par manque psychologique et/ou physiologique et l’arrêt total de consommation d’alcool.
Cette période comprend plusieurs étapes, plus ou moins longues et pénibles selon la personne, sa consommation, sa volonté à arrêter, et l’accompagnement psychologique et social dont il peut bénéficier (environnement familial, amical et professionnel, accompagnement psychologique, groupes de paroles etc.).
La première étape : la prise de conscience.
Comment prendre conscience de sa dépendance ?
La meilleure façon, si ce n’est la seule, est d’oser se confronter au regard des autres, tomber le masque, et se regarder en face.
Tu dis : « j’essaie juste que l’alcool n’ait pas trop de conséquences graves sur ma vie sociale comme le boulot ou les amis. C’est déjà vachement bien si j’arrive à ça… »
Je ne pense pas que ce soit la bonne solution car quand on est plongé dans l’alcoolisme, on se fout de tout (je parle pour moi).
Les conséquences, je n’y pensais pas. Alors, agir est le meilleur moyen. Aujourd’hui, je ne boirai pas et je ferai tout pour maintenir cette décision. C’est dur, très dur mais toute belle histoire commence par « 1 jour »
Patrick. pour Albert*.
Extrait tiré d’un forum de discussions. (* les noms ont été changés)
Comment aider la personne à la prise de conscience ?
Plusieurs possibilités :
• Faire un bilan sanguin. Il est primordial d’en parler avec le médecin traitant le plus vite possible et lui demander son avis.
• Faire un bilan sur les habitudes alimentaires (retracer les menus et les boissons prises sur une semaine, tenir un « journal de bord »…) et noter en parallèle les ressentis psycho-corporels en lien avec les prises de repas et de boissons. Noter et décrire également les problèmes éventuels : insomnie, impuissance, irritabilité, agitation, déprime…
• Noter, quand c’est possible et le plus sincèrement possible, les évènements de la vie en lien avec le début du comportement de prise d’alcool non habituelle.
• Se faire aider de ses proches, parler de son problème le plus possible sans tabou. S’entourer des personnes qui ne sont pas dans le jugement mais qui apportent une réelle écoute, un réel soutien. Si il n’y a personne dans votre entourage capable de vous offrir cela, il est primordial de demander un accompagnement psychologique et de vous inscrire dans une association. Demandez dans un hôpital de vous fournir la liste des associations près de chez vous. L’écoute et le suivi ont une importance considérable dans la prise en charge, alors que les prescriptions médicamenteuses ne font que renforcer le comportement addictif en remplaçant simplement les molécules…
• La survenue d’un événement grave (accident de la route, violence incontrôlable…) sont malheureusement parfois les limites à atteindre pour que la personne prenne conscience de son problème de dépendance à l’alcool.
Quelle que soit la façon dont on prend conscience de la dépendance, c’est à la personne elle-même d’envisager son propre sevrage. Cette condition est une étape incontournable pour réussir.
La prise de conscience accompagnée d’une résilience (littéralement « résistance aux chocs ») est source de réussite.
Il s’agit de comprendre le rapport de la personne à l’alcool, dépasser le traumatisme qui a entraîné ce comportement et surtout retrouver confiance en soi et développer son amour-propre.
Ce comportement destructeur envers soi-même peut être une forme de suicide masqué, à petit feu, un rejet d’une partie de sa vie que l’on n’accepte pas, que l’on refuse d’assumer, un besoin de tout recommencer accompagné d’un sentiment d’impuissance à le faire.
Entrer en résilience, c’est dépasser un traumatisme, une blessure profonde de l’âme, une douleur intérieure qui n’arrive pas à s’exprimer… et parvenir enfin à se consoler… Se pardonner à soi-même le mal que l’on s’est fait, ou que l’on a laissé faire »… S’accorder un répit et une chance d’entrer dans une nouvelle vie, se donner une nouvelle possibilité d’être heureux. Quel que soit le niveau de dépendance, il est toujours possible de s’en sortir si on ne s’enferme pas dans le fatalisme et la culpabilité.
Il n’y a que Soi qui puisse s’offrir cela. Personne d’autre que Soi.
Alors posons-nous les bonnes questions :
« est-ce que je tiens vraiment à moi?,
suis-je mon meilleur ami ?
vais-je me laisser tomber ? »..
En toute sincérité, si l’on ne se tend pas la main à soi-même, qui d’autre le fera?
La seconde étape : se faire entourer
Souvent, la personne alcoolique ne parle pas de son problème, ni de sa souffrance. Il est pourtant très important de dépasser le sentiment de fatalisme, la culpabilité, voir le sentiment de honte, et d’accepter dans un premier temps de se faire aider. L’isolement ne va que renforcer la dépendance à la substance.
Le médecin, dans un premier temps, va évaluer le rapport entre les troubles observés et la prise d’alcool. Puis il informe le patient de la relation entre ces observations et la maladie dépistée, de l’évolution possible si la consommation est stoppée et des risques engendrés si le patient continue de boire.
Tous les anciens buveurs admettent avoir eu une attitude de « déni » dans leur première rencontre avec le médecin. Ils refusaient d’évoquer le sujet de front car au début, « il faut se voiler la face »… C’est pourquoi lorsque l’on souhaite aider un proche qui souffre d’alcoolisme, il est essentiel de s’informer, et surtout de rester ouvert à l’écoute, au soutien, sans jugement, savoir orienter la personne vers « le bon sens » sans jouer les « moralisateurs ».
Aider une personne dépendante de l’alcool, c’est surtout être là avant, pendant et après le sevrage.
Le sevrage : l’apport de la psychologie
L’alcool est un anxiolytique puissant. C’est pourquoi il se développe souvent sur fond d’anxiété. Mais dans 90% des cas, les personnes développent un alcoolisme en même temps qu’une dépression. Dans ce cas, c’est souvent l’alcoolisme qui est vu, avant la dépression.
Le sevrage va se faire avec l’aide de médicaments. Anxiolytiques, antidépresseurs, médicaments à effet antabuse (c’est-à-dire qui dégoutent de l’alcool). Associé à une bonne hydratation et une alimentation riche en vitamines, il ne s’agit que d’un complément au suivi psychologique. Car le traitement par médicament seul ne garantit pas la réussite du sevrage. Il s’agit principalement d’un accompagnement neuro-physiologique qui permet d’éviter les effets du Délirium Tremens (tremblements, hallucinations, troubles de la conscience apparaissant après l’arrêt de la prise d’alcool chez une personne dépendante).
Le soutien psychologique est proposé en principe par le médecin généraliste, lors de la consultation. L’aide psychologique est fondamentale, qu’elle soit assurée par le médecin généraliste, un psychiatre, un psychologue… L’inscription dans une association proposant des groupes de paroles et des informations sur le sujet est également une aide précieuse.
L’accompagnement psychologique va permettre de mettre en évidence la relation qu’entretient la personne avec l’alcool. La personne va comprendre qu’il s’agit d’un état évolutif, donc qu’il est possible d’en sortir, de s’en libérer. C’est également l’occasion d’entamer un vrai dialogue, d’abord avec le psychothérapeute, mais aussi avec l’entourage.
L’hospitalisation ?
Le sevrage est souvent proposé en service ambulatoire, c’est-à-dire que le patient n’est pas hospitalisé mais est suivi par son médecin de famille, ou alors dans un Centre d’Hygiène Alimentaire et Alcoologie s’il y en a un près de chez lui. Si le patient accepte (ce n’est jamais son entourage qui décide à sa place) et que l’indication médicale est posée, une hospitalisation peut-être proposée en unités spécialisées. L’hospitalisation est notamment préférable lorsque le sevrage est dangereux, c’est-à-dire quand la dépendance est importante et que la personne encoure des risques non négligeables (épilepsie, crises avec violence…) ou encore lorsque le sevrage en ambulatoire a échoué ou que la personne a rechuté.
Parfois, l’importance de la dépression ou de l’anxiété peut imposer une hospitalisation. Cela peut-être également le cas lors de poly-intoxications (ingestion de drogues, médicaments ou cocaïne en plus de la prise d’alcool).
On préconise également une hospitalisation si une rupture est nécessaire avec un milieu familial ou social lui-même propice à l’alcool, ou si l’entourage familial du patient est inexistant.
L’entourage
L’entourage est en position difficile car il ne doit être ni complice, ni moralisateur. Il se doit d’être ferme par rapport à la décision du patient d’entamer un sevrage. Son écoute, sa compréhension et son soutient sont primordiaux. Cependant, il ne s’agit pas d’infantiliser la personne alcoolique.
Souvent, le conjoint du malade alcoolique demande à être pris en charge car l’alcool modifie la vie de couple : c’est un peu comme une vie de couple « à 3 » qui s’est installée. Le conjoint devient obnubilé par l’alcoolisme de l’autre, qui instaure un climat d’insécurité et d’incertitude. La culpabilité, la perte de confiance en l’autre et en soi, l’impossibilité d’agir s’installent progressivement dans le couple.
Parfois, c’est le conjoint, pris dans une spirale qu’il ne maitrise pas, qui est demandeur. Sa souffrance est devenue intolérable. En dialoguant avec un médecin, en comprenant maladie alcoolique sans minimiser la situation, il est important de parvenir à reconsidérer son partenaire. Il est nécessaire d’entamer une réflexion sur les liens amoureux qu’i y avait sans l’alcool, à la vie de couple…
Ne pas enfermer l’alcoolique dans sa seule identité de malade est une façon de lui permettre de changer d’attitude.
Il est souvent préconisé que chacun des deux soit pris en charge par des personnes différentes. Si le médecin de famille prend en charge les deux personnes, il faut respecter dès le départ une stricte neutralité, et poser un cadre strict de rencontres afin de mieux gérer les périodes de crises et de découragement…
Le sevrage alcoolique est une étape importante et longue dans le parcours de la maladie. Pour que l’abstinence soit durable, l’accompagnement (médicale, psychologique, familial) doit s’inscrire dans la durée.
(article réalisé selon l’article du Dr Pascale Bonnet pour Doctissimo.fr)
Les réseaux
Les Centres d’Hygiène Alimentaire et d’Alcoologie (C.H.A.A.), créés en 1975, sont des petites structures d’accueil spécialisées en alcoologie financées par l’Etat qui dispensent des soins gratuitement aux » malades de l’alcool « . Ces structures d’accueil, de soins et de prévention assurent le suivi ambulatoire de toute personne confrontée, de quelque manière que ce soit et quel que soit le stade de cette alcoolisation.
Une équipe pluridisciplinaire y assure le suivi médical, psychologique et social. Demander à l’hôpital le plus proche le nom de la structure la plus proche de son domicile.
Quelques contacts
Les Alcooliques Anonymes
plus de 400 groupes existent en France, en Région Parisienne et Province.
Contact :
21 rue Trousseau, 75 011 PARIS, Tél. : 01 48 06 43 68
minitel : 3615 AAFRANCE
La Vie Libre
8 impasse Dumur, 92 110 CLICHY, Tél. : 01 47 39 40 80
minitel : 3615 ALCOVIELIB
La troisième étape : adopter une meilleure hygiène de vie
Ne plus acheter d’alcool chez soi, et remplacer les boissons par autant de bons jus de fruits, fabriquer des « cocktails » maison pour les grandes occasions, lorsqu’on invite des amis…
Bref, ne jamais se priver de se faire plaisir autour d’un verre lors d’un apéritif ! Arrêter de boire de l’alcool ne signifie pas éviter les moments conviviaux entre amis ! Certes, ces moments vont vous permettre de mettre votre motivation à l’épreuve ! Mais les vrais amis sont là pour vous aider et vous pouvez les inciter à prendre, eux aussi, de bonnes résolutions et adopter une hygiène de vie saine et vitaminée ! Pensez à acheter des boissons froides et chaudes pour tous les instants de la journée !
Instaurer dans votre quotidien des moments de relaxation, des ambiances à la bougie et à l’encens propices à la méditation, retrouvez les sensations de plaisirs corporels avec des massages… Le bien-être n’est pas un luxe, il est à la portée de toute personne capable de se l’autoriser… Une sortie entre amis dans un hammam peut être l’occasion de prendre soin de soi et de ceux que l’on aime en toute convivialité !
Tenir une liste des choses à faire est un très bon moyen de trouver à s’occuper lorsque l’ennui reprend le dessus. Il suffit d’avoir toujours à proximité de soi un petit carnet dans lequel on note les choses que l’on a envie de faire mais qu’on n’a pas le temps de faire tout de suite, par exemple faire la liste des livres qu’on n’a jamais trouvé le temps de lire, faire des choses qu’on a négligé depuis longtemps, comme ranger des documents, prendre un rendez-vous chez le dentiste…
Noter dans ce carnet toutes les choses que vous aurez envie de faire quand cela pourrait faire du bien : aller à la piscine, faire une randonnée, aller voir une bonne amie, aller voir une expo, un film…
La liste des choses à faire pour ne pas retomber dans l’ennui n’est pas exhaustive, à vous de la compléter !
Pensez à vous trouver des occupations pour la journée et pour les soirs ! C’est vraiment une aide formidable pour traverser les périodes de creux…
Pour aller plus loin : http://www.doctissimo.fr/