Le rêve social, ou « Social Dreaming »: une pratique analytique transpersonnelle.
Description :
La méthode n’est pas Freudienne car il ne s’agit pas de soulever les questions oedipiennes vécues par le rêveur. Un « Rêve Social » se déroule avec plusieurs rêveurs simultanéments, pouvant aller de 6 à 100 personnes, mais en moyenne cela se pratique avec 30 personnes. Il s’agit donc d’une méthode thérapeutique de groupe. Les séances, appelées « Social dreaming matrix », durent 1h. La limite de temps est strictement gardée.
Principe :
Les personnes se positionnent en groupe, assises à même le sol, souvent en cercle. Certains thérapeutes la pratiquent en spirale avec des repères clés concernant les personnes positionnées au centre, en milieu et en sortie de spirale.
Pendant une séances, 3 personnes vont exprimer chacune un rêve. Les rêves sont développés par les membres du groupe. La technique utilisée est l’association libre : chacun est libre de prendre la parole à tout moment pendant la séance. A partir du moment où un rêve est exprimé dans la matrice*, il lui appartient. C’est-à-dire qu’il cesse d’être une propriété personnelle au rêveur, mais qu’il appartient à chaque membre du groupe, pouvant ainsi recouvrir autant de formes d’interprétations possibles qu’il y a de membres.
*Le terme « Matrice » a été introduit dans la psychologie par Foulkes SH.
Objectif :
Le but d’une Social Dreaming Matrix est de transformer la pensée des rêveurs par le biais de la libre asssociation, de manière à établir des liens entre les rêves exprimés pendant la séance. Ainsi ressort au final une nouvelle forme de reflexion et de pensée, amplifiée car appartenant à l‘ensemble du groupe. La prise de connaissance du rêve s’appel « le focus ».
Les connaissances sont de trois sortes :
– La connaissance du monde inanimé qui s’exprime à travers les mathématiques, la physique qui consiste à faire usage de métaphores mathématiques et mécaniques, et la logique formelle.
– La connaissance du monde organique exprimée en biologie qui est liée à l’utilisation de la logique de l’évolution et des métaphores organiques et dialectique.
– La connaissance du monde personnel, qui est la forme la plus haute et la plus complète de la connaissance car étant liée à la connaissance mutuelle des deux personnes. Cette connaissance personnelle comprend le matériel et l’organique. Ils sont des éléments essentiels de connaissance personnelle, mais la vie personnelle ne peut pas être réduite à eux.
Les deux premiers types sont des connaissances « sur », mais la troisième est la connaissance « de ». La connaissance « de » est arrivée n’est possible qu’à travers la perception des sens, et donc est plus qu’un savoir intellectuelle. A travers les sens, les êtres humains prennent conscience du monde et la cultivent à travers leurs émotions.
Histoire
Social Dreaming a été découvert à l’Institut Tavistock des relations humaines, à Londres, en 1982 par Gordon Lawrence, quand il était membre du personnel scientifique et co-directeur de l’Institut « Education Group Programme » des relations (avec Eric Miller). La pensée de « Social Dreaming » est née de ces expériences. A l’époque il était peu question de rêver dans ce travail. Quand un rêve était exprimé dans une situation de groupe, il n’existait pas de méthode de travail particulier. La méthode Tavistock était principalement axé sur la dynamique des groupes et aux relations d’autorité. ( Wilfred Bion [1961, Publications Tavistock. Londres] ).
Les facteurs de la personnalité des participants ont été jugés comme une affaire privée, pas pour l’examen public. Selon la formulation de Bion, un groupe pourrait être examiné en utilisant deux points de vue, ce qu’il appelait « Œdipe et le Sphinx ».
La première vision consiste à voir le groupe en tant que produit d’appariement des participants, et le second est lié à des problèmes de méthodes et de connaissances scientifiques et qui ont utilisé le groupe pour faire avancer les connaissances concernant l’apprentissage et la compréhension du groupe dans son ensemble. Tavistock a utilisé exclusivement la perspective du Sphinx.
Si les rêves n’ont jamais été utilisés dans un groupe, ils ont toujours éclairé la vie existentielle du groupe, mais la seule méthode disponible était celle d’Œdipe. Gordon Lawrence a estimé que la méthode du rêve-interrogatoire devait être disposé à être en harmonie avec la posture du Sphinx dans le Programme. Ayant étudié l’anthropologique et la littérature concernant les rêves, Gordon Lawrence a découvert le livre de Charlotte Beradt est The Third Reich of Dreams [1968, Livres Quadrangle, Chicago]. Beradt avait recueilli des rêves d’avant la guerre en Allemagne, à l’aide des médecins généralistes comme source. Elle a découvert que les rêves des patients juifs ne concernaient pas leurs vies intérieures, les conflits personnels, mais se relevaient du milieu social du Troisième Reich d’Hitler qui persécutait la population juive par des moyens de propagande, des demi-vérités et des mensonges.
La méthode du Rêve social pouvait alors prendre forme parce que les traveaux de Charlotte Beradt montrent que les rêves peuvent être utilisés pour éclairer les situations sociales, à condition que la perspective de la connaissance ait été utilisée, et non pas la classique méthode œdipienne.
Dans l’élaboration de la première expérience sur le Rêve social à l’Institut Tavistock, il a été reconnu que l’exploration des rêves devait se faire par le centre. C’est donc pour cette raison que les personnes qui prennent part ont été décrites comme une « matrice », pour le différencier d’un groupe.
Une matrice est un endroit à partir duquel quelque chose grandit, et « Matrix » reconnait l’inconscient, à la fois personnelle et sociale car elle concerne à la fois les sentiments et les émotions des participants qui sont eux-mêmes critiques. Il a été estimé, intuitivement, que si elle a été décrite comme un «groupe», l’invitation serait d’explorer la dynamique du groupe au détriment du processus de rêver. Un groupe est délimité par un univers de sens, mais une matrice rend possible, et peut tolérer, un verset de la « multi-sens ». La pensée divergente est possible dans la Matrice.
La pensée transformatrice
L’idée de matrice, qui s’est tenue dans l’esprit de Social Dreaming, peut être considérée comme une cage de Faraday. Il s’agissait d’un écran métallique que le savant à inventé pour entourer ses expériences dans le but qu’ils seraient libres de toute ingérence étrangère. Dans le cas du Rêve Social, l’interférence serait le groupe et les phénomènes œdipiens, laissant un espace mental à se concentrer sur le contenu du rêve exclusivement. L’idée de « Matrice » a été l’invention pour recevoir les rêves socialement.
L’autre décision était que «l’interprétation», dans le sens classique du terme ne serait pas répondre aux exigences de la tâche principale de la matrice.
L’interprétation est idéale pour la dyade de l’analyse classique, mais avec le grand nombre d’une matrice on a estimé que «l’hypothèse de travail de l’analyse classique» n’était plus pertinente. Une hypothèse de travail est une esquisse de la situation qui peut toujours être remplacé par un autre et que les participants tentent d’arriver à la vérité potentiel du rêve.
Cela vient à propos parce que le rêve dans une matrice est considérée comme un objet à part entière avec ses qualités intellectuelles et spirituelles, appartenant à l’infini. Si le rêve est considéré comme un sujet, le rêveur va se demander : «Qu’est-ce que le rêve signifie pour moi? est-ce que je poursuis le principe de plaisir ou celui d’éviter tout plaisir? »
Une fois qu’un rêve est exprimé dans la matrice, il devient un objet à la propriété de toutes les personnes présentes, en mesure d’être librement associé, capable de devenir un objet qui peut être joué mentalement par les participants.
Une Social Dreaming Matrix composée de personnes hétérogènes va généralement aboutir sur le milieu culturel commun. Quand une Social Dreaming Matrix est convoquée dans un système, comme une entreprise, les participants ont tendance à rêver du système et leurs rôles dans l’entreprise. Souvent, ce qui sera exprimé est le «impensé connu» du système, c’est à dire ce qui ne peut être exprimé dans le système, car il est «secret», mais est reconnu comme un facteur dans l’être du système.
Alastair Bain, qui a identifié la discipline de la socio-analyse, a proposé «l’organisation du rêve» pour capturer ce phénomène.
Mise en pratique :
A l’origine, la méthode est donc Freudienne, et utilisait principalement l’asssociation libre.
Dans ma pratique,
j’introduis l’amplification selon la méthode analytique des rêves de Jung, consistant à revenir régulièrement sur le rêve d’origine (focus) afin d’éviter l’égarement et ainsi d’éviter le non sens.
Qu’est-ce que l’inconscient collectif ?
Le Rêve Social s’appuie sur l’inconscient collectif, au sens où nous sommes habités de traditions culturelles, familiales, sociales… Le groupe est directement connecté à la culture commune, laquelle nourrit les associations et amplifications des rêves. Pour Jung, l’inconsciente collectif n’est pas une « antité plannant au dessus de nous »! ce n’est pas une réalité transcendante qui nous inspirerait! l’inconscient du groupe n’existe pas! il s’agit d’une communication de groupe qui produit l’inconscient collectif ! L’inconscient collectif est rendu possible par la communication des membres du groupe. Les rêves individuels sont rendus collectifs, les rêves sont inconscients… Ainsi, une Social Draming est à la fois une illustration et une expérience de l’inconscient collectif.
Je prends cette base du Social Dreaming pour travailler au sein d’une équipe, d’une famille ou même d’un couple. En sexothérapie analytique par exemple, le fantasme sexuel remplacera seulement le rêve.
Les rêves initiaux peuvent être très réalistes. Ils opèrent une subdivision de la structure et font entrer dans l’éveil energétique. C’est là que nous allons au-delà de la réalité. Les associations libres sont déjà une première forme d’interprétation, mais cet aspect doit rester mineur et ne doit pas freiner le travail d’association qui se réalise par la mise en commun. C’est pourquoi l’amplification est primoidial car le fait de revenir régulièrement au rêve initial permet de réinterpréter, donnant ainsi un sens « multiple ».
Analyse des rêves sociaux :
Mythe collectif ou métaphore groupale ?
La métaphore analytique doit toujours être un peu provocatrice. Ici, elle doit être archétypale, c’est-à-dire quelque chose qui met en expérience plénière et qui fait lâcher prise.
Le mythe collectif n’est pas inspiré par une réalité transcendante mais elle est une construction commune, à partir de l’inconscient collectif, lequel se fonde sur les idées individuels de chacun des membres du groupe.
Chacun est libre de refuser cette métaphore groupale. Encore une fois, ce n’est pas une réalité transcendantale qui s’impose.
C’est donc une réalisation de groupe donnant une métaphore archétypale qui peut interpeller l’individu, l’émouvoir et éventuellement lui permettre une expérience plénière.
Somathème :
C’est un geste, une position individuelle, rapide, (quelques secondes), qui est dans l’énergie, la métaphore et ne ramène pas au réel. Il est tout à fait différent du psychodrame.
Les écueils à éviter :
Le questionnement sans fin du rêveur.
Ici on ne travaille pas sur le rêveur. On n’analyse pas le rêveur mais le contenu du rêve qui, de surcroît, concerne le groupe. On cherche les polarités principales qui différencient et unissent les trois rêves.
Il faut éviter de rester dans l’anecdote, le détail, et les banalités terre-à-terre. Il faut aller dans le symbole du rêve. Voir tenter d’en dégager un archétype, ce qui plus facile avec un groupe fermé en travail régulier.
Autre risque : s’écarter du rêve sans y revenir.
« Boîte noire » :
Ce terme barbare désigne ce qui se passe dans la tête, c’est-à-dire les fantasmes, la cognition, la pensée. L’objectif ici n’est pas de décortiquer cette boite noire, mais bien d’ouvrir une communication groupale.
Un peu d’antropologie :
Les Aborigènes d’Australie à travers leurs cosmogonie nommée « Dreaming », signifiant « ce qui est en train de se rêver », pratiquent depuis près de 40 000 ans le « social dreaming »… Tout les matins en se levant, ils se racontent leurs rêves. C’est la récurrence de certains, et de l’intrprétation d’autres, ils vont définir ceux qui serotn les plus pertinent pour être reconnus par l’ensemble du gruope et retenus pour intégrer leurs système de croyance, leur mythologie, et être retranscrits sous forme de peinture, de chant et de danse. Ainsi, les thèmes abordés pendant chaque cérémonie sont issus de rêves sociaux retenus par l’ensemble des membres du groupe. Les rêves sont partagés à d’autres groupes, d’auts tribus, lors de cérémonies de mariage, par exemple.
Cet acte est à la fois individuel, groupal, clanique, social, spirituel et … politique! En effet, chaque fois qu’un groupe voyage pour « donner » un rêve sour forme de cérémonie a un autre groupe, et que ce groupe l’accepte et l’intègre a son système propre de cérémonies, cela confère au groupe donneur l’autorisation d’inclure ce territoire dans ses itinéraires afin de se rendre dans d’autes contrées, plus éloignées. Tous les membres de ces deux groupes sont « liés » par ce rêve ritualisé.